Web Interview avec Serge Arbiol, langue Russe

Publié le 28 décembre 2021
Auteur : Nancy (Admin)
Diaspora* du répondant : Recherchez sergio@sysad.org

Question : J'aimerais te poser la question suivant qu'est-ce qui t'a mener à t'intéresse à la langue russe et ce que tu en retires encore aujourd'hui?

Pourquoi j’ai choisi d’étudier le russe

Je suis en classe de cinquième au Lycée Arago de Perpignan.
J’ai choisi l’anglais en seconde langue.

Ma première est l’espagnol, la langue de mon père, Républicain réfugié en France en 1939.

Je ne sais pas encore que je vais redoubler la cinquième. Trop dispersé, incapable de me concentrer. Il y a, bien sûr, des événements tragiques qui expliquent cela, mais je ne souhaite pas les évoquer ici. La seule matière où je garde un bon niveau est le français. J’adore les rédactions et j’écris un petit livre de science-fiction.

Le redoublement me laisse dévasté. Je me sens stupide et je me trouve trop grand par rapport aux autres.

Un beau jour, un élève de quatrième vient réviser dans notre cour. Il y en a 3 dans ce grand lycée : une pour les élèves de 6ème-5ème, une pour ceux de 4ème-troisième et une pour les grands en 1ère-terminale.

Apparemment, notre cour est plus tranquille et Jean-Marc vient entre midi et deux heures avec un étrange livre dans la main. Je me demande s’il le tient bien à l’endroit. Il m’explique que c’est du russe. Je viens de voir des photos impressionnantes de la sortie extravéhiculaire du cosmonaute russe Léonov sur Paris Match.

Je suis passionné de science-fiction. C’est décidé, je vais choisir le russe comme seconde langue.

L’année suivante, je n’ai pratiquement pas besoin de prendre des notes. Le russe me plaît tellement que je retiens tout ce qui se dit en cours. J’ai la chance d’avoir une très bonne prononciation et je m’achète un petit dictionnaire que je commence à apprendre par cœur.

Lorsque je suis en classe de seconde, notre professeur monsieur Weinstein organise un voyage à Moscou. Je parle couramment après 3 ans d’apprentissage. J’ai appris des poésies et je chante des airs populaires russes en m’accompagnant à la guitare.

Après le Baccalauréat, c’est tout naturellement que je choisis de poursuivre mes études à Aix-en-Provence. Tout me semble évident et 4 ans plus tard, me voici reçu deuxième au CAPES.

Belle revanche pour un mauvais élève qui a passé son Bac à 20 ans.

J’ai enseigné pendant plus de 40 ans et j’ai toujours essayé de comprendre et d’aider les élèves en difficulté. Mon plus beau souvenir est celui d’une jeune fille, Pascale, que le Conseil de Classe du Lycée Bellevue d’Albi où j’enseignais ne voulait pas laisser passer en seconde. J’ai insisté, je l’ai soutenue de toutes mes forces et madame le censeur m’a dit : « Très bien, vous verrez, elle redoublera et sera obligée d’intégrer une filière professionnelle ».

L’année suivante, j’ai été nommé à l’Université Paul Sabatier de Toulouse et je n’ai plus eu de nouvelles de Pascale. Et un beau jour, trois ou 4 ans plus tard, nous nous rencontrons dans le train entre Albi et Toulouse. Pascale m’a annoncé qu’elle faisait ses études à Clermont-Ferrand. J’ai été le plus heureux des hommes en apprenant cette nouvelle.

Lorsque le temps de la retraite est arrivé, en 2016, je me suis consacré à ma plus grande passion : la musique. J’ai appris à jouer du luth et je compose et arrange des morceaux de musique ancienne pour notre trio « Sélima ».
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Parfois, je repense à cette époque douloureuse, lorsque je me sentais très malheureux en cinquième. Et je constate que si je n’avais pas redoublé, je n’aurais pas eu ensuite le bonheur de pratiquer une profession magnifique. Je n’aurais pas non plus rencontré celle qui allait devenir ma femme sur les bancs de l’Université, ma compagne des bons et mauvais jours avec qui je vis depuis 47 ans et que j’aime profondément.

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